GÉOCHIMIQUE (PROSPECTION)

GÉOCHIMIQUE (PROSPECTION)
GÉOCHIMIQUE (PROSPECTION)

L’exploitation intensive des gisements minéraux épuise rapidement les réserves existantes, et la découverte de nouveaux gîtes devient de plus en plus rare. Pour pallier une pénurie en matières premières, la recherche minière a été contrainte, depuis un certain temps, à faire appel à de nouvelles techniques de prospection: prospections aériennes suivies de travaux de contrôle au sol (géophysiques, radiométriques, géochimiques, etc.); prospections effectuées directement au sol, principalement dans des régions peu dénudées ou d’accès difficile. Les secondes servent de guides efficaces pour la mise en évidence de structures minéralisées que cachent notamment la végétation et les sédiments de toute nature.

Parmi ces techniques, la prospection géochimique, ou géochimie appliquée à la recherche minière, tient une place de choix. Elle a pour objet de découvrir des gisements métallifères, subaffleurants ou cachés, d’après les auréoles de dispersion des éléments chimiques qui les constituent. Elle dispose, à cette fin, de diverses méthodes spécifiques d’investigation et de moyens analytiques appropriés qui sont sans cesse améliorés.

Mise en pratique pour la première fois en Union soviétique, vers les années 1940, la prospection géochimique est de plus en plus utilisée dans le monde entier comme outil complémentaire dans tous les travaux de recherches géologiques et minières.

1. Buts et principes

Les méthodes de recherches géochimiques reposent sur les travaux effectués depuis la fin du XIXe siècle par de nombreux savants appartenant à différentes disciplines des sciences de la Terre (pétrographie, minéralogie, métallogénie, géochimie, etc.).

Ces travaux ont porté notamment sur l’abondance et le comportement des éléments chimiques, sur leurs associations et les lois qui les régissent dans les différentes géosphères, sur les fluides minéralisateurs, sur la spécificité de la formation des gîtes minéraux dans des conditions géologiques bien déterminées.

Tous ont permis d’améliorer notre connaissance de la migration des éléments chimiques, de leurs dispersion et concentration dans la lithosphère, l’hydrosphère, la biosphère et l’atmosphère, de même qu’ils ont contribué à résoudre des problèmes d’isomorphisme, de paragenèse, de biogenèse, de radiogéochimie, etc., avant que soient abordés les problèmes relatifs au Cosmos.

Mais, surtout, le grand nombre des résultats analytiques a permis de déterminer la teneur moyenne (clarke ) de la plupart des éléments chimiques entrant dans la composition de la lithosphère, de certains groupes de roches, des sols, des eaux superficielles et souterraines et des cendres de plantes.

Éléments majeurs et éléments mineurs

L’abondance moyenne des éléments chimiques est très variable dans la lithosphère. Pour les principaux types de roches et de sols, les éléments O, Si, Al, Fe, Ca, Na, K et Mg, communément appelés «majeurs», représentent près de 99 p. 100 du poids total de l’écorce terrestre. Leurs teneurs moyennes respectives y sont comprises entre 50 et 1 p. 100 suivant la nature des formations. Le titane représente déjà 0,45 p. 100 à lui seul des autres éléments dits «mineurs». Les teneurs moyennes de ces derniers vont de quelques centaines de grammes à quelques milligrammes par tonne. Le gramme par tonne (g/t), terme utilisé en recherches minières, correspond au ppm (partie par million); le milligramme par tonne (mg/t) équivaut au ppb (partie par billion, le milliard des Anglo-Saxons). Pour les eaux et les cendres de plantes, les teneurs des éléments mineurs s’expriment généralement en milligrammes par tonne et en microgrammes par tonne.

Les méthodes de la prospection géochimique sont basées sur la connaissance de la distribution des éléments mineurs dans les roches, les sols, les eaux et les plantes, dans le but de déterminer les régions où cette distribution est anormale pour un ou plusieurs éléments, les anomalies pouvant trahir l’existence de gîtes métallifères.

La distribution des éléments variant notablement d’une région à l’autre, il est alors possible de définir des «provinces géochimiques». Chaque province est constituée de formations géologiques propres: massifs intrusifs, séries effusives, métamorphiques et sédimentaires qui la composent et qui ont leurs propres caractéristiques de distribution des éléments, auxquelles viennent s’ajouter les particularités spécifiques de distribution des roches et celles qui proviennent des eaux naturelles, des produits de l’altération des roches.

Fonds et anomalies géochimiques

Lorsque les formations naturelles et les sédiments meubles qui les recouvrent, ainsi que les eaux et la flore, ne sont pas touchés par des phénomènes minéralisateurs endogènes ou exogènes, il est possible, après un échantillonnage massif et sélectif, de déterminer, à l’aide de moyens analytiques appropriés, les «fonds géochimiques» régionaux ou locaux, c’est-à-dire les teneurs représentatives des formations étudiées pour certains éléments, calculées par des méthodes statistiques. Par exemple, pour un certain type de roche ou de sol dans une région donnée, les fonds géochimiques peuvent être inférieurs ou supérieurs aux clarkes respectifs des éléments (le clarke, par définition, est la moyenne arithmétique des résultats d’analyse d’un certain élément dans des échantillons provenant d’une formation donnée de l’écorce terrestre).

Lorsque, dans certains secteurs, les phénomènes endogènes ou exogènes sont accompagnés de l’apport de certains éléments et du départ de certains autres, l’analyse de roches, de sols, de sédiments pour les éléments en «traces» peut donner des teneurs anormales par rapport aux teneurs de fond géochimique. Ces teneurs anormales constituent des «anomalies lithogéochimiques» (ou simplement géochimiques). Les teneurs anormales, dans les eaux superficielles ou souterraines, sont appelées «anomalies hydrogéochimiques». La présence, dans une région, de teneurs anormalement élevées dans les roches, les sols et les eaux conditionne la présence, dans les plantes croissant dans cette région, d’anomalies «biogéochimiques». Ces dernières peuvent concerner toutes les plantes ou certaines d’entre elles (plantes indicatrices ou concentratrices).

Les anomalies géochimiques peuvent être vraies ou fausses. Les vraies anomalies sont principalement liées aux gisements métallifères proprement dits, à leurs auréoles de dispersion primaire et secondaire ainsi qu’à leurs traînées de dispersion (cf. Méthodes lithogéochimiques et hydrogéochimiques ), soit suivant la topographie, soit suivant le réseau hydrographique situé à l’aval de la formation minéralisée. Les fausses anomalies proviennent généralement de pollutions artificielles, de concentrations des éléments dispersés par les effets biochimiques, l’évaporation, l’absorption, ou de roches à fond géochimique élevé, telles que les roches ultrabasiques à forte teneur en nickel.

Il est donc nécessaire, dans l’interprétation de tous résultats géochimiques (fonds et anomalies géochimiques) de tenir compte de toutes les données géologiques, structurales, métallogéniques et morphologiques dont on peut disposer sur la région prospectée, ainsi que de tous les facteurs physico-chimiques pouvant les influencer.

Moyens d’analyse

Comme les divers éléments dosés dans les échantillons se trouvent généralement à l’état de traces et que les teneurs absolues observées pour ces éléments peuvent varier, suivant la nature des échantillons (roches, sols, eaux...), de 1 mg/t à quelques centaines de g/t, les analyses nécessitent des techniques appropriées et, de la part des analystes, un soin et un entraînement particuliers.

Les méthodes de dosage effectivement utilisées ou seulement préconisées sont extrêmement nombreuses. Les plus courantes relèvent des types suivants: colorimétrie, spectrométrie par absorption atomique ou optique, chromophotographie, fluorescence X, radiométrie, activation neutronique, spectrométrie d’émission à lecture directe, spectrométrie d’émission sous plasma, les détails analytiques étant eux-mêmes très variés. Aussi se pose souvent le problème de choisir la méthode la mieux adaptée aux types de recherches effectuées. Par exemple, doit-on rechercher en premier lieu la précision des dosages ou la sensibilité en se contentant de dosages semi-quantitatifs ou même qualitatifs? L’idéal serait évidemment de disposer de méthodes à la fois sensibles, précises, rapides et susceptibles d’être utilisées sur le terrain. Mais cet idéal n’est pas encore atteint. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir de nombreux laboratoires spécialement chargés de la mise au point de dosages géochimiques. Un laboratoire de cet ordre doit pouvoir être capable de répondre à la demande des utilisateurs pour le dosage d’éléments peu courants et pouvoir, journellement, déterminer des centaines d’échantillons pour plusieurs éléments. Certains laboratoires sont maintenant équipés d’un appareillage ultra-moderne entièrement automatisé. Ils peuvent traiter une grande quantité d’échantillons et délivrer automatiquement les résultats obtenus. Les centres de calcul spécialisés se chargent alors, à la demande, de fournir les paramètres statistiques des distributions (moyennes, variances, écarts...), les coefficients de corrélation, les droites de régression et, même, à l’aide de tables traçantes, les courbes d’isoteneurs (courbes de même teneur d’un élément), les représentations tridimensionnelles, etc.

2. Méthodes de recherches

Méthodes lithogéochimiques

Les méthodes lithogéochimiques sont fondées sur la mise en évidence d’auréoles de dispersion primaires de gisements ou de corps minéralisés, ainsi que de leurs auréoles secondaires et traînées de dispersion.

Auréoles de dispersion primaires

Les auréoles primaires d’un corps minéralisé ou d’un gisement sont les zones de roches encaissantes entourant celui-ci, enrichies de certains éléments lors des processus de mise en place de la minéralisation.

La formation d’auréoles primaires de gisements endogènes nécessite un apport des éléments chimiques par les solutions minéralisantes, cet apport s’accompagnant alors d’une transformation plus ou moins grande des roches encaissantes par la redistribution de leurs composants. Dans les gisements endogènes, les principaux éléments entrant dans la composition du minerai et leurs éléments accessoires (accompagnateurs), apportés dans les roches encaissantes par les solutions hydrothermales au cours de différentes étapes minéralisatrices, sont les éléments indicateurs directs . À l’inverse, les éléments surtout lithophiles et les éléments sidérophiles redistribués dans les roches encaissantes lors de leur transformation par métasomatose et donnant à celles-ci des zonalités caractéristiques sont des éléments indicateurs indirects .

Les divers constituants des auréoles primaires sont étroitement liés à la genèse et à la composition des concentrations minérales. Ce fait permet, d’après les particularités de la paragenèse des éléments dans les auréoles primaires, d’avoir des présomptions sur le type de gîte caché.

Les teneurs des éléments représentatifs des auréoles décroissent au fur et à mesure que l’on s’éloigne du corps minéralisé et tendent vers les valeurs respectives du fond géochimique local.

Les particularités caractéristiques des auréoles sont leurs zonalités horizontale et verticale. La zonalité horizontale correspond, en plan, à des dimensions (largeur, longueur) des auréoles qui peuvent être différentes selon les éléments. La zonalité verticale est fonction de la distribution verticale des éléments et de leur pouvoir de migration: certains éléments se situent de préférence au-dessus du corps minéralisé, d’autres au-dessous et, enfin, d’autres se concentrent aussi bien dans les parties hautes que dans les parties basses des auréoles.

La forme des auréoles de gisements endogènes dépend du type de gîte. Elle est de plus déterminée par des facteurs structuraux: présence et orientation des zones de fracturation, porosité des roches encaissantes, conditions de situation du gîte, etc. Elle est complexe, mais proche de la forme du corps minéralisé: pour des corps subverticaux, elle est symétrique au corps et rappelle la flamme d’une bougie ou d’un flambeau; pour des corps faiblement inclinés ou subhorizontaux, la forme des auréoles est asymétrique et se trouve être plus développée au toit (partie supérieure) qu’au mur (partie inférieure) de la formation minéralisée.

La taille des auréoles est un facteur important pour les recherches (plus elle est grande, plus facilement seront découverts les gisements). Spatialement, les dimensions des auréoles primaires sont de dix à cinquante fois supérieures à celles du corps minéralisé: pour des minéralisations hydrothermales subverticales, par exemple, la présence d’auréoles primaires se fait sentir à plusieurs centaines de mètres au-dessus de celui-ci.

Les auréoles primaires peuvent être utilisées, en particulier, pour la recherche de gisements sous une couverture de dépôts volcaniques, pour la connaissance du niveau d’érosion de gisements ou d’indices et pour l’évaluation des anomalies géochimiques endogènes et exogènes.

Auréoles de dispersion secondaires et traînées de dispersion

L’auréole de dispersion secondaire est le secteur localisé, par des teneurs élevées des éléments chimiques caractéristiques d’un gisement donné, dans les formations meubles et les sols, ce secteur s’étant constitué au cours de la destruction du gisement par les phénomènes d’altération superficielle.

La traînée de dispersion d’un gisement est la zone à teneur élevée de ses éléments chimiques caractéristiques, jouxtant l’auréole de dispersion secondaire et se développant dans les roches et les sols, le long des pentes, par les effets gravifiques, aussi bien sur les solides que sur les liquides.

Les auréoles de dispersion secondaires comprennent: les auréoles de dispersion mécanique, constituées par des minéraux primaires ou secondaires, stables dans la zone d’altération superficielle; les auréoles «salifères» chimiques, provenant de la solubilisation totale ou partielle des minéraux primaires ou secondaires, de leur reprécipitation et de la formation de sels métalliques ou organo-métalliques plus ou moins complexes par des facteurs physiques, chimiques ou biologiques.

Les gîtes anciens et leurs auréoles primaires, plus ou moins altérés sur place, donnent dans les formations éluviales ou de pente actuelles des auréoles résiduelles. Par opposition à celles-ci, les auréoles surimposées, ou «anomalies de fuite», proviennent de la diffusion des éléments chimiques dans les formations superficielles allochtones d’une minéralisation primaire sous-jacente.

Lorsque le gîte primaire ancien, érodé, est surmonté de formations géologiques recouvertes par des produits d’altération superficielle allochtones, la diffusion des éléments peut produire des auréoles d’accumulation. Celles-ci peuvent être soit à l’aplomb du gîte, avec une zone intermédiaire stérile, soit, suivant la topographie, plus ou moins déplacées par rapport à celui-ci.

Enfin, lorsque la diffusion n’atteint pas la surface, les auréoles sont dites cachées et peuvent appartenir aux différents types d’auréoles précités.

Il est évident que, pour les recherches minières, les auréoles résiduelles et surimposées sont les plus intéressantes, la mise en évidence d’auréoles cachées nécessitant des travaux laborieux d’échantillonnage. Les teneurs, dans ces auréoles, varient de quelques dizaines à des milliers de grammes par tonne.

La mise en évidence d’anomalies résulte de l’étude de la distribution des éléments dans les sols résiduels ou dans les formations superficielles allochtones.

La forme des anomalies est généralement complexe; elle dépend essentiellement de la forme du gîte, de la maille de l’échantillonnage, des conditions morphologiques et climatiques et de la couverture de la région explorée. Leurs dimensions sont variables. Dans le cas d’anomalies résiduelles, elles sont bien supérieures à celles des auréoles primaires, mais, dans le cas d’anomalies de diffusion, elles peuvent être inférieures par suite d’une mauvaise migration des éléments à travers le recouvrement.

Il ne faut donc pas perdre de vue qu’un gîte important, assez profondément enfoui, peut donner lieu à de faibles teneurs en surface, tandis qu’un indice subaffleurant et de peu d’importance aura une anomalie assez étendue à très fortes teneurs. Néanmoins, avec l’expérience, la majorité des anomalies peut être assez bien interprétée à l’aide de travaux géochimiques complémentaires ou, le cas échéant, de travaux géophysiques ou miniers.

Méthodes hydrogéochimiques

Les méthodes hydrogéochimiques sont fondées sur la mise en évidence d’auréoles et de traînées de dispersion dans les eaux superficielles ou souterraines.

La formation d’auréoles de dispersion hydrogéochimiques résulte de divers processus physico-chimiques auxquels est soumis un gîte. Selon la composition du corps minéralisé, la nature de la formation encaissante et les conditions climatiques, les étapes d’altération du gîte et de son milieu sont différentes. Pour les gisements essentiellement composés de sulfures (blende, galène, pyrite, chalcopyrite, etc.), les solutions d’acide sulfurique (formées par l’action de l’oxygène de l’air sur les sulfures, puis de l’eau sur les produits d’oxydation) jouent un rôle très important dans leur dégradation progressive. Pour les gîtes à oxydes (cassitérite, wolframite, etc.), l’influence des phénomènes d’hydrolyse et de solutions aqueuses chargées en acide carbonique provenant de l’air est prédominante. Si les gîtes à sulfures sont situés à grande profondeur et en présence d’eaux captives, la solubilisation de minéraux sulfurés par processus électrochimiques permet la formation d’auréoles hydrogéochimiques.

Les auréoles et les traînées de dispersion hydrogéochimiques ont une zonalité horizontale qui provient de la concentration de certains éléments dans les eaux baignant le gîte ou proches de celui-ci, puis de l’abaissement des teneurs, au fur et à mesure de leur éloignement. Le pouvoir de migration des éléments dans les eaux dépend principalement des propriétés oxydo-réductrices et acido-basiques du milieu.

La migration verticale, correspondant à la zonalité verticale des éléments d’une nappe à une autre, peut se faire soit par diffusion ou capillarité, soit par décharge, si la nappe minéralisée est en charge.

Les auréoles hydrogéochimiques peuvent être cachées ou affleurantes et possèdent des indicateurs directs (éléments principaux du gîte) et indirects (mis à part les éléments alcalins, ce sont les ions S42-, Cl-, HC3, le pH, la minéralisation totale, la résistivité).

Les teneurs du fond hydrogéochimique en éléments métalliques (alcalins exceptés) sont généralement exprimées en mg/t. Les teneurs anormales dépassent rarement 10 g/t, exception faite pour les teneurs provenant de prélèvements d’eau particuliers effectués, par exemple, dans les travaux miniers ou dans les sondages à proximité des corps minéralisés. Les anomalies les plus intenses se trouvent dans les zones de forte oxydation.

La dimension des anomalies est de l’ordre de quelques centaines de mètres (de 400 à 600 m). Leurs traînées, dans les cas favorables, se font sentir sur quelques kilomètres à partir de l’origine de la minéralisation.

Outre les fausses anomalies, qui sont nombreuses et dues à la précipitation de certains éléments (par suite du changement du pH des eaux, des effets de décharge des nappes minéralisées en charge et de la concentration des éléments par effets biochimiques), les désavantages de la recherche hydrogéochimique sont représentés par la distribution irrégulière ou le manque de points d’eau dans certaines régions, le changement, dans le temps, de la teneur des éléments dans les eaux – nécessitant des observations spéciales de leur régime – et la difficulté d’interprétation et d’évaluation des anomalies (par suite de leur très faible teneur). Malgré tout, les avantages de la recherche hydrogéochimique restent importants: profondeur d’investigation et étendue de la dispersion [cf. HYDROGÉOLOGIE].

Méthodes biogéochimiques

Les méthodes biogéochimiques sont fondées sur le lien entre la composition chimique, la morphologie des organismes végétaux ou animaux, et leurs associations, et la composition chimique de leur milieu nourricier.

Les méthodes géobotaniques reposent sur la recherche de plantes indicatrices. Le lien entre la composition chimique des plantes et celle des roches, des sols qui en dérivent et des eaux est loin d’être simple. Elle est influencée par une série de facteurs dont les principaux sont: la teneur habituelle en éléments du type de plante considéré; l’irrégularité de la distribution des éléments dans les différentes parties de la plante (racines, feuilles...); l’âge de celle-ci; les conditions climatiques; la dépendance des teneurs d’un élément donné dans les plantes par rapport à leur composition totale et aux types de sols sur lesquels elles croissent (ainsi, certaines plantes, appelées «concentratrices», s’enrichissent sélectivement en certains éléments indépendamment de la teneur de fond du milieu environnant).

Ces divers facteurs, dont il faut tenir compte, font que les recherches géobotaniques sont plutôt délaissées au profit des recherches lithogéochimiques, plus simples.

Néanmoins, dans certains cas (zones humides où les sols sont ou peuvent être lessivés ou drainés en profondeur, régions semi-arides où le recouvrement par les formations allochtones est important), l’échantillonnage des plantes à système radiculaire profond (de 15 à 20 m) peut apporter de bonnes informations. D’autre part, la présence de corps minéralisés donnant lieu à des teneurs élevées dans les sols peut amener des modifications dans les particularités biologiques locales, telles qu’un changement dans la composition des associations, la croissance de plantes spécifiques (indicatrices), l’atrophie, le gigantisme.

Méthodes atmogéochimiques

Les méthodes atmogéochimiques (ou atmochimiques) font partie des méthodes directes pour la recherche de minéraux radioactifs, de pétrole, de gaz naturel, de charbon ou de mercure (par les émanations respectivement de radon, d’hydrocarbures et de vapeurs de mercure). Elles peuvent être «aéroportées» ou employées directement au sol, selon que les éléments sont analysés dans l’air de l’atmosphère ou qu’ils le sont par pompage, dans l’air contenu dans le sol ou diffusé en surface.

Ces méthodes demandent des moyens d’analyse extrêmement sensibles et donnent de bons résultats.

3. Applications des méthodes

Toutes ces méthodes de la prospection géochimique sont employées soit pour obtenir des informations générales, soit pour résoudre certains problèmes bien précis.

Prospection générale ou «stratégique»

En prospection générale, la géochimie s’applique à la recherche de métaux dont les minéraux sont facilement altérables (Pb, Zn, Cu, Mo, Sb, Hg, V, U...), donc difficilement décelables en prospection alluvionnaire; ou à la recherche de tous les métaux, lorsque les conditions géomorphologiques sont telles qu’elles font craindre de passer à côté des gisements sans les voir, ni même les soupçonner.

Ce pourrait être le cas, par exemple, de gisements appartenant à différents types génétiques se trouvant dans des zones forestières ou d’accès difficile, ou bien recouverts par des couches de sédiments alluviaux, éluviaux, latéritiques, éoliens, glaciaires, ou de formations géologiques plus ou moins épaisses; ou celui de gisements ayant pu donner, dans des régions à relief jeune ou rajeuni, des affleurements visibles, mais dont les minéraux primaires ou secondaires ont été lessivés (Mo, U, V...); ou bien il s’agit de gisements n’affleurant pas actuellement, mais ayant pu affleurer à d’autres époques; ou, encore, de gisements subaffleurants, c’est-à-dire à peine touchés par l’érosion ou seulement sur le point de l’être; enfin, ce pourrait être le cas de gisements cachés proprement dits, qui n’ont pas subi l’influence de l’érosion et qui peuvent être décelés par ces méthodes dans des régions où les conditions géologiques structurales et métallogéniques sont favorables.

Prospection détaillée ou «tactique»

La prospection détaillée concerne les problèmes les plus particuliers: extension de gisements ou de structures minéralisées en surface et en profondeur; dispersions primaires ou secondaires dans les travaux miniers, permettant de détecter des corps minéralisés au voisinage; recherches de structures particulières par application de méthodes indirectes (étude des éléments mineurs de minéralisations principales: As pour les minéraux arseniés et dans la pyrite située au toit de gisements de stibine; Se et Te dans les «chapeaux de fer» des gîtes sulfurés; Cd dans les roches encaissant les filons de blende; Hg dans les gîtes polymétalliques; Ta, As, Hg, Sb, F, Br, I dans les roches, pour localiser les gîtes par rapport à leur niveau actuel d’érosion).

Les informations apportées par la prospection géochimique pour les problèmes plus particuliers sont beaucoup plus directes et immédiatement utilisables pour les mineurs (extension ou non du gisement, failles minéralisées ou non, sondages minéralisés proches d’un gisement), pour les métallogénistes (présence de tel ou tel élément, précisions sur la paragenèse), pour les géologues, les pétrographes (distinction de faciès, levés géologiques, composition des roches), pour les géophysiciens (contrôle des anomalies géophysiques).

Avant l’exécution d’une prospection géochimique, générale ou particulière, il est indispensable de procéder à une enquête devant fournir, entre autres, les renseignements d’ordre géologique, métallogénique, climatique, morphologique sur la zone à prospecter, ainsi que les renseignements sur la distribution des éléments à rechercher dans les différentes formations susceptibles d’être rencontrées. Si ces derniers renseignements manquent ou sont inexploitables, du fait de leur rareté, il est alors nécessaire d’effectuer des études géochimiques méthodologiques aux abords immédiats de gîtes ou d’indices minéralisés existant dans la région ou dans leur environnement. Ces études particulières sont destinées à préciser la distribution et le comportement des éléments principaux et, éventuellement, de leurs accompagnateurs dans les sols, les roches, les zones d’altération. Toutes les données recueillies permettent alors une utilisation rationnelle des techniques de terrain et de laboratoire, par le bon choix d’une ou plusieurs méthodes d’échantillonnage (mailles, profondeur, etc.) et d’analyse, et permettent d’accéder à une meilleure interprétation des résultats pour résoudre les problèmes posés.

Le perfectionnement apporté aux techniques analytiques spécifiques, l’expérience acquise de nombreuses études méthodologiques et l’aide des ordinateurs pour le traitement des données ont, ces dernières années, contribué, pour une large part, à un accroissement très sensible de l’utilisation, dans la recherche, de méthodes de la prospection géochimique.

En effet, le nombre d’échantillons prélevés dans le monde croît chaque année. Il a triplé entre 1960 et 1969, en passant de 8 millions à près de 24 millions; il était d’environ 40 millions en 1982. Dans ces chiffres, l’ex-Union soviétique intervient pour une part très importante (75 p. 100 en 1960, près de 83 p. 100 en 1969 et 90 p. 100 en 1982), grâce à ses nombreux instituts et universités, qui diffusent leurs travaux à travers tout le pays, et grâce également à la politique dirigée dans les domaines des sciences de la Terre, de la recherche minière et de la prospection. Des équipes combinées (géologues, gîtologues, hydrogéologues, géophysiciens, topographes, mineurs), au cours de leurs missions, prélèvent systématiquement des échantillons (20 millions en 1969).

Parmi les autres pays qui se partagent, en 1982, les 10 p. 100 restant, le Royaume-Uni représente 5 p. 100, le Canada 2,5 p. 100, les États-Unis 2 p. 100, la France 1 p. 100, soit, au total, 4 millions d’échantillons.

Les perspectives de la prospection géochimique sont donc très favorables, et les études sur la diffusion des métaux dans les roches, des éléments, à l’état de traces ou de microtraces, dans les minéraux, l’analyse des phases-support des métaux dans les sols et les sédiments de ruisseau, l’évaluation quantitative des anomalies, l’utilisation des isotopes en géologie, les études sur les richesses du plateau continental, voire du Cosmos, apporteront à la prospection géochimique, prise dans son sens le plus large, autant de sujets d’application nouveaux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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